lundi 24 novembre 2008
A propos de Tyo
Durant de nombreuses années, j’ai confié au destin la transmission de mon imaginaire et choisi la grâce toute asiatique d’une jeune fille pour l’exprimer. Pourquoi, dès lors, en ce temps d’images qui caractérise notre époque, revenir au texte pour décrire ce que l’œil ne peut voir mais que la pensée cherche à définir ?
Sans prétendre à offrir réponse, je crois que par le dessin, l’auteur impose au lecteur sa vision du visuel, alors que par le texte, il lui laisse la liberté de transformer, au fil de son imagination personnelle, les mots en tableaux dont il est le peintre privilégié.
Ma jeunesse, perturbée par les années troubles d’une guerre, s’est confinée le plus souvent dans l’isolement merveilleux de la lecture. Tantôt par le texte, tantôt par l’image que m’offrait une forme de littérature naissante, j’ai cheminé dans les rêves de mon adolescence, mais c’est par le texte des romans innombrables avalés sans reprendre souffle que les images m’ont envahi… Il m’a fallu prendre patience et devenir adulte pour les offrir en retour.
Durant plus de tente ans, ma main a couru pour tracer la vie, transmettre le rêve, l’amitié, la tendresse, mais elle n’a pu que partiellement pénétrer dans le cœur et les pensées de mes personnages… Quant aux senteurs et aux musiques qui troublent et conditionnent l’âme, je n’ai pu les effleurer qu’en revenant au texte. La narration par l’image pose ses limites quand les mots viennent au secours du récit.
Il m’a fallu toutes ces années pour ressentir l’envie de retrouver le charme de mes lectures d’antan. Me libérer, le temps d’une audace, de la contrainte du dessin et tenter de rendre aux mots toute la magie qu’ils m’avaient offerte jadis, lorsqu’ils m’apprenaient à vaincre ma solitude.
Notre société actuelle s’épanouit sous le règne de l’informatique, l’ordinateur y est roi et nos enfants, gestionnaires de l’avenir, y plongent leurs racines. Je n’ai pas moins que d’autres échappé à la chimère de l’ordinateur et, tel un automate, je lui ai confié, comme en ce moment, mes débordements « philosophiques ». Un soir, sous l’emprise d’un texte, j’ai omis de le sauver et coupé prématurément l’ordinateur... Il en a perdu la mémoire et j’ai dû faire appel à la mienne pour en retrouver le fil.
Quelle déception ! Je m’étais donné pour compagne une intelligence artificielle de laquelle j’appréciais l’assistance et à la première erreur, elle me faisait défaut… Alors, je me suis pris à rêver d’une merveille qui classerait les éléments embrouillés de mes pensées et me prémunirait à temps des engagements erronés qui me blessent trop souvent… Je l’entendis même me parler d’une voix douce et rassurante… Une voix de femme, bien sûr. Alors, peu à peu, sur son timbre charmeur, je me mis à définir un visage, puis l’être tout entier… Elle ne pouvait être humaine mais avait cependant pris l’aspect d’une femme et, fixant l’écran dont la lumière vibrait, j’entrevis deux yeux qui me dévisageaient… Les yeux de Tyo…
J’ai certainement rencontré Tyo maintes fois dans mes promenades oniriques et je l’ai croisée sans la voir. Elle faisait partie de cette multitude d’ombres que l’on sent présentes autour de soi sans pouvoir en définir les contours et qu’un accident de parcours met soudain en pleine lumière sur votre chemin. Elle me tendait la main pour m’entraîner dans un univers cher à mes souvenirs où, cette fois, je n’étais plus le bénéficiaire comblé mais le régisseur décontenancé.
J’ai vécu un an dans le mystère de Tyo, la découvrant chaque jour différente et la menant avec acharnement vers le destin qu’elle s’était fixé. Elle m’a offert en échange ce retour aux sources qui ont irrigué ma jeunesse et elle m’a permis de boucler le cercle en y omettant le mot « fin »… Tyo a encore beaucoup à me raconter et je reste avide de l’écouter.
Roger Leloup
Sans prétendre à offrir réponse, je crois que par le dessin, l’auteur impose au lecteur sa vision du visuel, alors que par le texte, il lui laisse la liberté de transformer, au fil de son imagination personnelle, les mots en tableaux dont il est le peintre privilégié.
Ma jeunesse, perturbée par les années troubles d’une guerre, s’est confinée le plus souvent dans l’isolement merveilleux de la lecture. Tantôt par le texte, tantôt par l’image que m’offrait une forme de littérature naissante, j’ai cheminé dans les rêves de mon adolescence, mais c’est par le texte des romans innombrables avalés sans reprendre souffle que les images m’ont envahi… Il m’a fallu prendre patience et devenir adulte pour les offrir en retour.
Durant plus de tente ans, ma main a couru pour tracer la vie, transmettre le rêve, l’amitié, la tendresse, mais elle n’a pu que partiellement pénétrer dans le cœur et les pensées de mes personnages… Quant aux senteurs et aux musiques qui troublent et conditionnent l’âme, je n’ai pu les effleurer qu’en revenant au texte. La narration par l’image pose ses limites quand les mots viennent au secours du récit.
Il m’a fallu toutes ces années pour ressentir l’envie de retrouver le charme de mes lectures d’antan. Me libérer, le temps d’une audace, de la contrainte du dessin et tenter de rendre aux mots toute la magie qu’ils m’avaient offerte jadis, lorsqu’ils m’apprenaient à vaincre ma solitude.
Notre société actuelle s’épanouit sous le règne de l’informatique, l’ordinateur y est roi et nos enfants, gestionnaires de l’avenir, y plongent leurs racines. Je n’ai pas moins que d’autres échappé à la chimère de l’ordinateur et, tel un automate, je lui ai confié, comme en ce moment, mes débordements « philosophiques ». Un soir, sous l’emprise d’un texte, j’ai omis de le sauver et coupé prématurément l’ordinateur... Il en a perdu la mémoire et j’ai dû faire appel à la mienne pour en retrouver le fil.
Quelle déception ! Je m’étais donné pour compagne une intelligence artificielle de laquelle j’appréciais l’assistance et à la première erreur, elle me faisait défaut… Alors, je me suis pris à rêver d’une merveille qui classerait les éléments embrouillés de mes pensées et me prémunirait à temps des engagements erronés qui me blessent trop souvent… Je l’entendis même me parler d’une voix douce et rassurante… Une voix de femme, bien sûr. Alors, peu à peu, sur son timbre charmeur, je me mis à définir un visage, puis l’être tout entier… Elle ne pouvait être humaine mais avait cependant pris l’aspect d’une femme et, fixant l’écran dont la lumière vibrait, j’entrevis deux yeux qui me dévisageaient… Les yeux de Tyo…
J’ai certainement rencontré Tyo maintes fois dans mes promenades oniriques et je l’ai croisée sans la voir. Elle faisait partie de cette multitude d’ombres que l’on sent présentes autour de soi sans pouvoir en définir les contours et qu’un accident de parcours met soudain en pleine lumière sur votre chemin. Elle me tendait la main pour m’entraîner dans un univers cher à mes souvenirs où, cette fois, je n’étais plus le bénéficiaire comblé mais le régisseur décontenancé.
J’ai vécu un an dans le mystère de Tyo, la découvrant chaque jour différente et la menant avec acharnement vers le destin qu’elle s’était fixé. Elle m’a offert en échange ce retour aux sources qui ont irrigué ma jeunesse et elle m’a permis de boucler le cercle en y omettant le mot « fin »… Tyo a encore beaucoup à me raconter et je reste avide de l’écouter.
Roger Leloup
Note de l'auteur.
L'auteur a récupéré les droits de ce roman et lui cherche un éditeur valable...
Ce roman qui a gagné le grand prix de Science Fiction jeunesse 1990 (France) fait partie d'une trilogie dont le second volet "Le Signe de Kadha" est en finalité d'écriture... Il sera suivi d'un troisième tome ( Déterminé mais non encore développé.)Roger Leloup
roger.leloup@gmail.com
Inscription à :
Articles (Atom)